Pépite intemporelle n°40 : Je ne peux plus dire je t’aime (1979) de Jacques Higelin

Y a des jours comme ça, où on imagine livrer son article de la semaine sur une nouveauté, un coup de cœur déniché au fond des bacs d’un disquaire, une pépite inattendue. Mais la vie réserve parfois des surprises, et ce 28 novembre je me suis fait (r)attraper au réveil et au saut du lit par ce magnifique Je ne peux plus dire je t’aime du grand Jacques Higelin.

Voilà une chanson qui atteint cette année ses 40 ans. Quarante années qu’elle se promène au milieu d’un album charnière dans la carrière d’Higelin. Champagne pour tout le monde… Caviar pour les autres (1979) est un double album, initialement sorti en deux disques séparés, avant qu’ils ne soient regroupés en un seul volume. Il n’y a rien à jeter dans ces multiples pistes, que l’on débute avec Champagne ou Cayenne, c’est fini, ou bien que l’on poursuive avec Tête en l’air, L’attentat à la pudeur, ou encore Le fil à la patte du caméléon.

Un double opus charnière qui va à la fois faire passer Higelin des années 70 aux années 80, et ouvrir sa musique sur une nouvelle dimension. Les années 60 ont été synonymes d’expérimentations en tout genre avec Areski et Brigitte Fontaine. Les années 70 ajoutent à ce matériau de départ du rock et un grain de folie supplémentaire et bienvenu. Les années 80 seront celles d’un certaine idée de la chanson française, à la fois pop et de très haute volée.

Champagne/Caviar est donc le témoignage de cette évolution musicale. Un album dont je ne me lasse pas, que je peux écouter en boucle comme d’ailleurs à peu près tout Higelin, d’un disque à l’autre selon mon humeur du moment. Toutefois, cet album a une saveur particulière, peut-être à cause de (ou grâce à) ce Je ne peux plus dire je t’aime, niché à mi-chemin de Caviar et aux trois quarts de Champagne/Caviar, comme une dernière respiration avant la clôture de la fête.

Car il s’agit bien là d’un titre de clôture de fête, tant par son texte finement ciselé et d’une simplicité magnifique, que par sa musique, sorte de murmure intime et profondément humain. Une sorte de constat doux-amer, honnête et aussi plein de promesses. Une résignation tout autant qu’une proposition. Je ne peux plus dire je t’aime donnera lieu, par la suite, à de nombreuses versions en duo et reprises en tout genre. Comme un titre universel, que tout le monde voudrait savoir chanter. Comme une façon de dire les choses que toute personne normalement constituée aimerait maîtriser.

Dernière reprise en date, et pas des moindres : 8 février 2019, Izïa et Arthur H (fille et fils de, faut-il le rappeler ?), rendent hommage au grand Jacques lors de la cérémonie des Victoires de la musique. Comme on est généreux sur Five-Minutes, et que j’ai envie de l’écouter plusieurs fois encore, voici à la fois la version originale par Higelin, suivie de cette magnifique et imparable reprise par les enfants de, avec la charge émotionnelle qui va bien.

Jacques, tu nous manques chaque jour, mais loin de toute commémoration larmoyante, la meilleure chose que l’on puisse faire c’est continuer à écouter tes disques. Et notamment ce Je ne peux plus dire je t’aime qui, paradoxalement, est peut-être la plus belle déclaration d’amour qui soit.

Raf Against The Machine

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