Histoire de prolonger la digression de mon ami Sylphe… Oui, nous avons pris une belle calotte scénique voici quelques jours avec le concert à la fois survitaminé et bourré d’émotions en tout genre de Her. On ne peut que saluer la prestation incendiaire et tout en classe de Victor Solf, emmenant jusqu’au bout ce projet et transcendant son amitié avec Simon Carpentier dans une leçon d’humanité, d’humilité et de fidélité. Là où il se pose, le projet Her démontre que des liens aussi forts et puissants entre deux êtres ne peuvent être rongés par rien au monde. Une putain de leçon à cette putain de vie. Respect.
En marge de ce concert (comprendre au bar post-concert), la playlist a rappelé à nos oreilles la pépite intemporelle que voici : Common People de Pulp, gravée sur l’excellent album Different Class (1995). Cette année-là, je chantais pour la première fois, le public ne me connaissais pas… Bref, cette année-là, ou plutôt dans les années 90, la britpop vit de belles heures, toutefois monopolisées par la (fausse) guerre entre Blur et Oasis. Derrière ces deux groupes polariseurs de l’attention, il ne faudrait pas oublier d’autres grandes formations comme Suede, The Verve, Cast, les Stone Roses, ou bien encore Pulp.
Different class est le 5e album studio de la bande à Jarvis Cocker, et je ne cache pas que si l’album a tourné en boucle à l’époque, c’est bien ce Common People qui reste pour moi d’une efficacité sans nom. Côté sonorités et énergie, on se croirait plongés dans un Arcade Fire, alors que c’est bien entendu impossible puisque Pulp était déjà en fin de vie que les Canadiens faisaient tout juste surface. Il n’empêche que le titre envoie une énergie assez ravageuse, que l’on retrouvera chez Arcade Fire dans Rebellion (Lies) (2004-2005) ou encore dans Sprawl II (Mountains beyond mountains) (2010). Pour la mise en images, gageons que nos amis québécois ne renieraient sans doute pas le clip de Pulp ici présent, qui mélange à la fois trouvailles visuelles et ambiance bien décalée qui font plaisir. Rien de surprenant toutefois, lorsqu’on est originaires d’un pays où il est possible de s’asseoir au bord d’un fleuve pour regarder passer les baleines, et où l’on peut partir explorer l’archipel des Mille-Îles.
Que raconte Common People ? La triste et consternante histoire d’une jeune bourgeoise qui aimerait vivre parmi et comme les common people. Autrement dit, le rêve d’une jeune friquée de sortir de son monde doré pour s’encanailler avec les gens du peuple, histoire de ressentir le grand frisson et de se sentir en vie. C’est bien le problème de ces gens-là, drapés dans leurs oripeaux et réfugiés dans des vies dépourvues de vraies relations humaines : compliqué de se sentir mort à l’intérieur malgré une abondance matérielle et superficielle. Tous les moyens sont alors bons pour tenter de retrouver un souffle de vraie vie, en fréquentant les gens ordinaires qui eux gardent les pieds sur terre et savent ressentir des émotions sincères et simples. Qui, en d’autres termes, vivent.
Ce qui est d’avance voué à l’échec, puisque les codes sociétaux et les modes de vie sont bien trop radicalement différents. Un thème vieux comme le monde : les classes sociales sont-elles fongibles entre elles ? Non. Les riches vivent entre riches, les classes populaires restent entre elles. S’il en était autrement, Bourdieu n’aurait pas écrit La reproduction, Renaud n’aurait pas écrit Adieu Minette et Brassens n’aurait pas mis en musique Les oiseaux de passage, magnifique texte de Jean Richepin. Un dernier exemple que je vous propose de réécouter pour clore ce papier du jour.
Raf Against The Machine