La première moitié de 2018 a livré du très bon son. Nous qui reprenons nos activités bloguesques avons du pain sur la planche pour proposer un tour d’horizon des mois passés. Commençons par une des perles du tout début d’année, le nouvel opus d’Arthur H intitulé Amour Chien Fou.
Un double album qui percute dans tous les recoins de nous où les émotions vont se lover. Arthur H est amour et nous le fait savoir. Amour pour ses parents, qui ont chacun droit à un titre. Le passage (pour Jacques), une navigation vers la lumière finale, filée d’une métaphore cinématographique. C’est brillant et bouleversant, et prend encore une autre dimension maintenant que ce grand bonhomme nous a quittés. La boxeuse amoureuse (pour Nicole), un pur bijou piano-voix doublé d’une admiration qui suinte à chaque note. Amour pour sa famille aussi, à travers Brigade légère qui égrène chaque composante de la tribu H dans une bouleversante déclaration. « Aimons-nous vivants » disait l’autre, « Aimons-nous » (tout court) a-t-on envie de surenchérir.
Arthur H est aussi et surtout amoureux de la vie et d’une femme, que l’on sait être sa compagne Léonore Mercier, artiste plasticienne sonore, très impliquée dans cet album pour notre plus grand plaisir. L’osmose entre les deux est totale et permet à Arthur de nous promener astucieusement dans son univers pour une déclaration d’amour sans cesse revisitée et multiforme.
Les textes infusent le sentiment amoureux au fil des titres. « J’ai déjà oublié comment ne plus t’aimer » dans Reine de cœur, « Je te respire et tu m’inspires » pour Sous les étoiles à Montréal, ou encore ce Carnaval chaotique : « Petit amour / Tes seins en pointe me changent en passoire / Tes sources coulent / Tu peux passer ». Ce dernier texte n’étant pas sans rappeler le torride et moite Marilou reggae d’un certain Serge G. Amour Chien Fou (chanson éponyme) déroule des tentatives de définition de ce qu’est l’amour, sur une rythmique pop légère avant une inattendue bascule musicale. Impossible d’isoler une portion du texte tant l’ensemble forme un tout. On retiendra aussi Moonlove déesse, un autre titre qui sexualise corps et esprit : « J’escalade les collines divines de Moonlove / Le drapeau de l’amour bien planté sur Moonlove ». Sans oublier Assassine de la nuit, un titre dont je suis absolument raide dingue et qui se pose à mon cœur comme la déclaration d’amour absolue. Fatale, tout simplement.
Tout le talent de cet album est de jouer aussi pleinement sur la musique, en mélangeant les ambiances douces, passionnées, torrides, jouissives. Double album donc, avec une première galette Amour faisant la part belle aux ambiances intimistes et acoustiques. La dame du lac développe des nappes électros pour une ambiance mystique d’une sensualité redoutable. Moonlove fantaisie s’ouvre sur « Une averse de caresses » relayée par des notes-perles qui tombent et s’infiltrent dans chacun de nos interstices. On retrouve aussi des personnages de la galaxie Arthur H, comme Lily Dale, sorte de sœur de Melody Nelson déjà croisée sur l’excellent album Négresse blanche en 2003 (il y a 15 ans à peine, il y a 15 ans déjà…), dans un titre d’une douceur infinie qui raconte les amours de Lily. Enfin, l’Inversion mélancolique, l’autre titre dont je suis fou, avec ses samples en boucle et ce « vieux truc qui remonte à la surface ».
La seconde galette Chien fou opte plutôt pour le terrain pop, parfois dansant, pour compléter avec classe le premier disque. Assassine de la nuit (encore elle… j’avais prévenu, elle est partout en moi) transpire l’amour sensuel et intense, tandis que Tokyo kiss serait une déclinaison de l’indispensable film Lost in translation (une improbable rencontre amoureuse, néanmoins évidente et imparable). Plongée dans un délire purement Arthur H avec Nosferatu, sorte de clin d’œil au Champagne de Jacques H et lecture originelle du mythe vampire, romantique et amoureux. Sans oublier Il/Elle qui, sous couvert d’une mélodie légère, aborde avec finesse et humour le sujet du changement de sexe et de l’identité de chacun. Un titre d’amour par excellence, à travers l’affranchissement du corps et des modélisations sociétales pour vivre totalement ce que l’on est et ce qui nous appelle.
Peut-on être amour sans être chien fou ? C’est au final la question posée par ce double opus qui, décidément, reste pour moi le meilleur album d’Arthur H. Des morceaux qui se gravent en moi écoute après écoute, et me collent toujours un peu plus à la peau. Mais je m’éloigne… Quoique. Amour fou pour cet Amour Chien Fou qui a du chien. Peut-on être amour sans être chien fou ? Non, clairement non : tels deux êtres indéfectiblement liés et connectés, la première galette est indissociable de la seconde, et réciproquement. Les deux se chargent conjointement de nous rappeler que, là où il se niche, notre chien fou ne trouvera son équilibre que dans un savant mélange de passion et de douceur amoureuses.
Indispensable, percutant, bouleversant, tonique : procurez-vous et écoutez cet Amour Chien Fou sans aucune réserve, avec votre amoureux-se… ou tout du moins en pensant fort à elle-lui. Hyper.
Raf Against The Machine